Impalpable
L'Impalpable,
Un bloc d'argile, sans forme, humide et malléable,
Que l'on peut modeler sans le toucher pourtant.
On le vit en tous lieux, on le vit en tous temps,
Sans que jamais sa science à jour ne fut percée.
Par ses faits, ses prodiges, les enfants sont bercés,
Par ses plaies, ses horreurs, l'univers est meurtri -
La pluie trace ses larmes, le tonnerre est son cri.
Le bloc d'argile bouge, s'étire, se tord, s'agite,
Comme au fond de leur âtre les flammes crépitent,
Donnant vie à des formes infinies de structures.
De la froide chaleur à la lumière obscure,
Tous les miracles du spectre de l'impossible
Trouvent forme dans la matière flexible.
Le brasier jaillissant du gosier du reptile ;
Les spectres écumant les cendres infertiles ;
Les mystères alchimiques de plantes mystérieuses ;
La splendeur onirique de pierres précieuses ;
Les murailles rocheuses encerclant le désert ;
La longévité des vieillards millénaires,
Leur santé façonnée dans le fer de leur poigne,
Fruits du prodige dont leur énergie témoigne ;
Une seule matière créa ces phénomènes,
Grandes tapisseries tissées de même laine :
Une sève coulant dans les ramures de l'arbre,
Façonnant l'univers comme on taille le marbre.
Certains le plient, certains l'adoptent, certains le craignent,
On le prie comme un dieu, comme un seigneur, il règne,
Diffusé dans les cieux, la terre et l'océan,
Portant le monde vieux aux yeux de l'enfant.
Les plus fous entreprirent de le soumettre à eux,
Emportant dans leurs mains les mystères du feu,
De l'onde, des tornades, du blizzard, de la terre -
L'humain dans sa folie dompta jusqu'à l'éclair.
Les bêtes, quand vint leur tour, apprivoisèrent l'argile :
Oiseaux ou mammifères, amphibiens ou reptiles,
Tous les êtres du monde en goûtant l'Impalpable
Se métamorphosèrent en monstres redoutables,
Écumant les forêts, les monts et marécages,
Passant sur les contrées comme passe un orage,
Ne laissant derrière eux que la désolation -
L'impalpable est le père de toute aberration.
- auteur inconnu - antérieur à 3500 -
Note : Ces vers, dont l'auteur fut oublié, fut le premier à faire mention de l'Impalpable sous cette dénomination, qui fut adopté et démocratisé par le bouche à oreille des bardes.