Luxuriance 7148, Meltoria
Yendre Perrefelg était presque aussi agacée qu'exténuée. La mission, certes, s'était bien terminée, mais elle avait du mal à supporter la compagnie de son équipier. Pour être tout à fait honnête, elle savait pertinemment qu'aucun autre équipier n'aurait fait l'affaire – elle avait toujours été seule durant ses voyages, et n'avait jamais eu besoin de personne pour venir à bout de ce qui s'opposait à elle. Mais, malgré une longue négociation, elle n'était pas parvenue à faire plier ses nouveaux supérieurs : le règlement de la guilde était stricte, et tout nouveau membre devait être accompagné avant d'avoir fait ses preuves, moment à partir duquel il pourrait choisir ou non une carrière solitaire. Seulement, la limite de « faire ses preuves » semblait particulièrement floue aux yeux d'Yendre, et l'idée de se coltiner un levral pendant encore de longs mois ne l'enchantait aucunement. Qui plus est, un levral lâche, niais, et dont le bonne humeur permanente avait le don de taper sur les nerfs de la mercenaire. Si déjà d'ordinaire elle avait du mal à rester courtoise face à ce novice qui la suivait en permanence comme un caneton sa mère, la fatigue accumulée par huit jours à crapahuter dans la forêt à la recherche de glauvees l'avait rendue particulièrement irritable. Néanmoins, elle avait accepté l'invitation du levral à fêter leur victoire autour d'un hydromel. Elle n'en avait aucune envie, mais refuser l'invitation aurait relevé de l'insulte, et Yendre considérait l'honneur comme primordial dans sa profession – bien que cette qualité semblait tomber de plus en plus en désuétude. Ce fut donc sans joie que la mage poussa la porte du Pinson et Cantabile, avec en tête d'y boire une choppe rapidement avant de s'excuser et gagner sa propre demeure.
Leip Lihf était satisfait de sa journée. La clientèle avait été abondante, annonçant une saison prolifique. Cependant, rien n'avait dérapé : aucune bagarre n'avait éclaté, tous les chicots étaient restés rangés sur leurs gencives, et il n'avait pas eu besoin de sortir la serpillière pour éponger du plancher de la taverne quelque éclaboussure de sang. Globalement, chacun était resté à sa place - les quelques chahuts qui avaient agité la taverne avait su en rester aux provocations, et avaient apporté plus d'animation que de problèmes. Leip contemplait avec un sourire satisfait son établissement : les deux bardes, parvenus depuis une bonne heure au bout de leur répertoire, buvaient en riant à une table dans un coin de la pièce, leur luth appuyé contre le mur de pierre nue. Les pinsons voletant entre les poutres apparentes et les charcuteries qui pendaient au plafond, qui faisaient la spécificité de l'endroit, avaient remplacé de leur chant la musique des troubadours, que toutefois couvraient le ruminement de l'assemblée. Leip passa sa large main dans sa barbe grisonnante en contemplant la scène : un pauvre hère, complètement saoul, s'apitoyait sur son sort auprès d'un badaud qui ne lui accordait que peu d'intérêt ; un groupe de joueurs s'affairait, concentré – ce qui amusait Leip, puisqu'il avait remarqué que l'un d'entre eux, habitué de la taverne, trichait impitoyablement depuis le début de la partie ; un bellâtre faisait briller les yeux de biche de celle à qui il avait offert un verre de vin d'ouest – la soirée semblait lui être favorable ; un vieux milicien, avec devant lui son huitième verre de liqueur de tortue, racontait au tavernier pour la millième fois son plus grand exploit – histoire que Leip faisait semblant d'écouter avec attention, bien qu'il en connaissait tous les détails depuis des mois. Les seuls clients qui inquiétaient un peu le tenancier étaient le petit groupe qui conversait à une table circulaire au fond de la salle. Aucun des deux hommes ou de la rouquine n'avaient causé d'incident, mais les armes qu'ils portaient tous à leur ceinture étaient une menace à la tranquillité de la soirée...
Trickaard était sur le point de conclure son affaire avec la femme dont il avait déjà oublié le nom, lorsque la porte de la taverne s'ouvrit, attirant son regard. Ce qu'il vit rentrer dans la salle lui arracha une moue de dégoût, l'interrompant dans le récit de ses aventures. À quelques mètres de lui, une femme en armure d'acier venait de pousser la large porte de bois sombre. Ses cheveux blancs qui contrastaient avec son jeune âge trahissaient sa nature de mage. Cela suffit à l'alerter – il méprisait ces êtres qui avaient eu à leur naissance plus de chance que lui-même - mais ce qui le dérangea davantage venait de pénétrer l'établissement en suivant de près le premier individu. L'être était plus petit qu'un homme adulte, mais sa silhouette anthropomorphique était rehaussée de deux oreilles semblables à celles d'un lièvre, dressées sur une tête allongée, pourvue de deux yeux verts qui brillaient au milieu d'un pelage noir comme le charbon. La créature ne portait en guise de vêtement qu'un pagne et quelques ceintures, auxquelles étaient fixées de nombreux couteaux, alors que deux courts fourreaux pendaient dans son dos. Ses pieds nus, dont les ongles avaient laissé leur place à des griffes noires, se posaient sur le sol avec délicatesse à mesure que le monstre avançait vers le comptoir. Le museau surmonté d'une petite truffe se retroussa brièvement, comme gêné par les effluves d'alcool et de sueur qui emplissaient le lieu. Un Levral. Trickaard se retourna vers son interlocutrice, dont l'attention avait elle aussi été attirée par les deux arrivants, puis il balaya la taverne du regard. La plupart des clients lorgnaient vers le monstre, certains avec dégoût, d'autre avec peur, et quelques rares avec seulement un soupçon de curiosité dans le regard. Mais ce dont la salle se remplissait était avant tout de haine. Sentiment que Trickaard partageait avec beaucoup de ses compatriotes humains.
Ellal Mift suivit Yendre avec entrain dans la taverne – entrain qu'il perdit rapidement. Il était habitué à recevoir des regard furibonds et des insultes violentes dans les rues des cités humaines. Cependant, cela ne l'avait jamais découragé quant à son désir d'intégration et ne l'avait jamais dépourvu de l'admiration qu'il portait pour ces créatures à peau nue. Il comprenait le ressentiment des leurs quant à sa présence : la guerre, bien que finie et remportée par leur peuple, était bien trop fraîche pour que l'on puisse s'attendre à une réaction différente, et Meltoria n'était pas une ville connue pour son hospitalité. Par ailleurs, si à Meareel, Némério ou encore Permilieu les peuples levraux s'étaient peu à peu mêlés à la masse, il n'avait rencontré que très peu de compatriotes dans les rues de la cité où il oeuvrait désormais – si ce n'était quelques mendiants. Prenant une profonde inspiration, il s'engagea dans la taverne, et feignit de ne pas remarquer que la plupart des discussions s'étaient interrompues, et que de nombreuses têtes pointaient maintenant vers lui, avec une discrétion déplorable. Regardant droit devant-lui, bien qu'ayant malgré tout la quasi totalité de la pièce dans son champ de vision, il s'avança vers le comptoir, et, grimpant sur un barreau de tabouret, s'y accouda.
- Une dose d'hydromel pour ma collègue et moi, tavernier ! demanda t'il d'une voix qu'il voulu enjouée, en faisant fi du soupir aussi discret qu'excédé de Yendre. Et amenez nous donc un de vos saucissons dont l'odeur alléchante parvient à mes naseaux !
- Tu veux dire à ton « museau », lapin !
Le quolibet, lancé par un soiffard, fit pouffer l'assemblée. Une nouvelle fois comme tant d'autres, Ellal ignora l'insulte et ne daigna pas tourner la tête pour faire face à celui qui l'avait proférée. Cela lui était d'ailleurs parfaitement inutile, puisque depuis sa place, il pouvait l'apercevoir à son insu. Le levral ne quitta pas du regard celui de Leip qui, d'un geste las de la main, invita la foule à calmer son agitement.
- Cessez messieurs, cessez. Voyez au symbole que notre hôte arbore à l'épaule qu'il est mercenaire. Ce faisant, selon les lois en vigueur, nous lui devons le respect dont il hérite par sa profession. Voici votre hydromel, sieur levral, et le saucisson le suit.
D'un hochement de tête reconnaissant, Ellal accepta les coupes que lui tendait l'homme, et entreprit d'y boire l'hydromel. Tâche difficile cependant : le museau allongé du levral l'empêchant de porter le récipient à ses lèvres, le mercenaire glissa sa langue râpeuse dans le verre, et but péniblement quelques lampées d'alcool, devant le regard interrogateur du tavernier et l'hilarité à peine dissimulée de nombreux clients. Yendre quant à elle, laissa sa coupe devant elle, et commença à trancher quelques rondelles de charcuterie, lorsque du coin de l'oeil elle aperçut ce qu'Ellal avait déjà repéré depuis les premiers mouvements de leurs sièges.
Merist regarda successivement ses deux compagnons, puis, d'un hochement de tête entendu, se leva de leur table, et se dirigea droit vers le levral. Les discussions qui avaient à peine reprit s'interrompirent à nouveau. Elle hésita un instant à tapoter l'épaule de la créature mais, dégoûtée, frappa du pied dans son tabouret, l'obligeant à lui faire face :
- Regarde moi, monstre ! Ton ami tavernier peut apparemment supporter ta présence, mais ce n'est pas mon cas, ni celui des autres. Il parlait de lois, mais je crois me souvenir d'une plutôt récente qui m'autorise à faire la peau à ceux de ton espèce si j'en croise un, fit la femme d'un sourire mauvais en posant la main sur la garde de l'arme pendant à sa ceinture. Alors déguerpit d'ici, sale sauvage, avant que je ne te raccourcisse de tes oreilles et que je ne fasse une pelisse de ta peau.
Résigné, Ellal commença à se lever de son tabouret, lorsque la main gantée de Yendre se posa fermement sur son épaule, l'obligeant à rester en place. Le levral leva la tête vers son équipière, et vit étinceler dans ses yeux une flamme de rage qu'il n'avait encore jamais mesuré chez elle.
- Laisse donc, Yendre, fit-il. Je ne cherche pas les ennuis, et ce n'est pas la première insulte que j'essuie dans ces rues.
- Peut-être n'as tu que faire de ta dignité, siffla Yendre, mais notre amie ici présente, en te manquant de respect, porte offense à la guilde. Je ne permettrai pas que l'honneur des nôtres soit bafoué sans réagir.
- « Les nôtres » ? éclata Merist. Nouerai-tu avec les monstres un lien douteux, ma belle ? Ne salis pas ta main en la posant sur un tel immondice. Ton cas ne m'intéresse pas, mais personne ici ne saurait tolérer la vue de pareille chose à ses côtés.
- Alors que tout le monde sorte, répliqua Yendre sèchement. Ou sortons tous trois. Tu semblais vouloir en découdre, alors qu'il en soit ainsi. Mais cet affront se réglera par les poings, et non par les lames.
Crachant aux pieds des mercenaires, Merist prit avec un instant d'hésitation le chemin de la porte, aussitôt suivie par ses deux compères qui, en un regard mauvais vers les deux équipiers, lui emboîtèrent le pas. Le tenancier souffla de soulagement, alors que la totalité de la taverne, maintenant silencieuse, semblait attendre la réaction d'Ellal. Celui-ci, décontenancé, leva les yeux vers son équipière, qui ne lui rendit qu'un regard sévère. Comprenant qu'aucune autre issue n'était envisageable, le levral se leva de son siège, et se dirigea à son tour vers la sortie, à contrecœur.
Merist crut un instant que le monstre n'allait pas oser se confronter à elle et se préparait à retourner dans la taverne, lorsqu'elle le vit émerger de l'établissement, la tête baissée et les oreilles tombantes. Un sourire tordu s'afficha sur le visage de la femme, qui s'élargit lorsqu'elle comprit que Yendre ne suivrait pas son équipier. En effet, si Merist n'avait aucunement peur d'une race inférieur, elle n'avait en revanche que peu l'envie de se confronter à une mage, surtout sans avoir eu l'occasion d'évaluer sa puissance. Croisant les bras, la femme secoua la tête afin de dégager une boucle rousse qui lui tombait devant les yeux, attendant impatiemment que le monstre se rapproche. La bête avait décidément l'air pitoyable : son air abattu devait sans nul doute dissimuler une peur face à ceux dont le peuple avait massacré les siens. Toutefois Merist avait conscience de la situation : un levral n'avait beau n'être qu'une sous-race, il n'en restait pas moins un ennemi dangereux, surtout en duel. Mais elle ne s'inquiétait pas pour autant : elle comme ses compères étaient rodée au combat, et ils lui prêteraient main forte en cas de besoin. Ils n'auraient ensuite qu'à s'occuper du cas de la mage, si celle-ci se montrait agressive. Après tout, à trois contre une, ils avaient toutes leurs chances.
Ellal observa anxieusement la situation : la rue, en cette fin de journée, était peu passante, ce qui était peut être pour le mieux. Il savait en effet que, quelque soit le contexte, il avait peu de chance de recevoir de l'aide de passants humains dans un affrontement contre leur pairs. Le sol était de terre battue : ses pattes ne déraperaient pas dessus, contrairement peut être aux bottes que portait son adversaire. Il jeta un regard à la femme qui lui faisait maintenant face, et en fit une brève analyse : elle était plus grande que lui, et sa musculature, peu visible sous son ample chemise grise, semblait néanmoins conséquente. Sa posture d'attente, bien que l'affrontement n'eut pas même débuté, indiquait qu'elle devait avoir une certaine formation au combat. Il s'agissait peut être d'une ancienne milicienne, ce qui expliquerait quelques cicatrices et un âge mûr. Son arme était posée au sol, mais la tâche d'encre sur son majeur gauche indiquait néanmoins qu'elle était gauchère – et par ailleurs, qu'elle savait écrire, ce qui le confortait dans l'idée qu'elle pouvait être issue de la milice. Alors qu'elle reposait sur sa jambe droite, Ellal constata un tremblement de celle-ci, imperceptible pour un œil humain, qui indiquait une faiblesse inhabituelle. Peut être une ancienne blessure ?
- Pose tes armes à terre et ramène toi ici, monstre, lança Merist, tirant Ellal de ses observations.
Le levral s'exécuta. Il tira de multiples boucles ses poignards, et ôta la sangle qui retenait les fourreaux de ses lames. Après un moment d'hésitation, il remit ses effets à l'un des comparses de son adversaire qui, posté entre les deux combattants, semblait faire figure d'arbitre, adossé à un mur. Le troisième larron se tenait dans le dos du mercenaire, ce qui ne manqua pas de l'inquiéter. Il n'avait aucune envie d'une effusion du sang – qui semblait pourtant inévitable pour l'heure. Tapant machinalement de la patte sur le sol, il attendit un quelconque signal d'un début de combat – qui ne tarda pas à survenir.
Merist se rua soudainement sur Ellal, et tenta de lui asséner un uppercut à une vitesse surprenante, qui aurait terrassé la plupart des combattants. Néanmoins, le levral parvint d'un preste pas de côté à se dérober au coup, puis para aisément le deuxième poing qui visait son ventre. Merist feinta un nouveau coup avant de frapper subitement de son genou, mais la créature, à nouveau, esquiva avec grâce, comme si le coup, pourtant d'une précision terrifiante, avait été annoncé à haute voix. Plus les coups pleuvaient et redoublaient de violence, plus le levral semblait rapide, et plus la rage montait en Merist. Bientôt, elle ne frappait plus pour gagner : elle frappait pour tuer. Tuer cette créature qui faisait l'affront de lui résister. Tuer ce représentant d'une race inférieur qui s'était opposée aux humains. Tuer l'un de ceux qui avaient abattu l'un des siens. Au terme d'un enchaînement qui aurait sans doute mis à mal un lutteur de profession, Merist n'avait toujours pas réussi à placer le moindre coup, et Ellal n'avait toujours pas répliqué. Ce n'est qu'après avoir paré une nouvelle frappe visant son visage qu'il décocha un coup au ventre de Merist avec une vitesse telle qu'elle ne réalisa l'attaque que lorsqu'elle en eut le souffle coupé, s'arc-boutant subitement, laissant l'opportunité à son adversaire de porter un deuxième coup, qui l'atteint cette fois-ci à la tempe, avec plus de vitesse encore que le premier. Sachant le combat gagné, Ellal, sans pour autant détourner la tête, concentra son regard sur les deux équipiers de son adversaire, et eut alors juste le temps de s'effacer sous le coup de dague circulaire qui lui aurait taillé la nuque, avant de rouler au sol en évitant un coup de hache descendant.
Ellal évalua rapidement la situation : les trois malfaiteurs étaient maintenant armés, contrairement à lui. Il aurait cependant la possibilité de s'enfuir, sachant que des humains ne pourraient le rattraper, mais il ne pouvait s'y résoudre : il avait mit l'honneur de la guilde en jeu, et fuir l'affrontement ne pourrait que le ternir. Raisonner ses ennemis semblait relever de l'impossible, et aucune aide ne viendrait l'épauler : Yendre ne donnait pas l'impression de vouloir émerger de la taverne, et les rares personnes s'engageant dans la ruelle s'en détournaient aussitôt à la vue des lames tirées de leurs fourreaux. Il ne lui restait plus qu'un choix : la confrontation pure et dure.
Ellal, à l'étonnement de ses adversaires, se jeta sur eux, rapide comme le vent. Le plus grand des bandits leva sa hache, mais n'eut même pas le temps de l'abattre avant que le levral ne lui assène un violent coup à l'entrejambe, qui le fit s'effondrer dans un hoquet de douleur. Le second tenta un coup d'estoc de sa dague, mais il ne frappa que le vide : Ellal, saisissant le bras maintenant à sa portée, le tordit avant de cogner brutalement son coude de son genou, venant créer un angle peu commun dans un craquement sinistre. L'homme poussa un hurlement déchirant, lâcha aussitôt sa dague que Ellal récupéra avant qu'elle ne touche le sol, tandis qu'il fonçait vers Merist. Celle-ci, qui avait dégainé sa propre arme, dévia péniblement le coup d'estoc de sa lame, mais ne fut pas assez rapide pour s'écarter lorsque Ellal, d'une vélocité inconcevable, se baissa pour balayer de ses jambes celles de son adversaire. Merist tomba en arrière, et du parer de son bras le coup qui, autrement, lui aurait percé le buste : la lame traversa la chair de part en part, éclaboussant sa chemise blanche de pourpre poisseux. Avec cri de douleur mêlé de rage, Merist tenta d'asséner un coup de genou à Ellal qui la dominait à présent – en vain. Un poing vint heurter son front si brutalement qu'elle en perdit conscience, faisant retomber dans la ruelle le silence du soir.
Yendre entendit sans surprise les hurlements de douleur qui provenaient de la ruelle. Bien sûr, elle ne s'était pas attendu à ce que les bandits ne se battent à la loyale, mais elle avait conscience de la folie qu'il fallait pour provoquer un levral en combat rapproché, même à trois contre un. La mercenaire attendit patiemment que les cris s'estompent pour se lever de son siège, glisser quelques dralions sur le comptoir et regagner la sortie, sous les regards inquiets de l'assemblée. Un sourire en coin s'afficha sur son visage pâle lorsqu'elle vit Ellal, surplombant la rouquine, lui asséner un ultime coup avant que la tête de la femme ne vienne heurter le sol. Elle entendit derrière elle les jurons d'observateurs effrayés.
La compagnie du levral lui sembla aussitôt moins détestable.