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Le Porteur de Jasmin

Isolée par les pourpres, vermillons, carmins

Qui entachent le Val de leur lourde laideur,

Blanc de sa pureté, sublimé par l'horreur -

Il la portait au col - une fleur de jasmin.

 

Le vieillard progressait parmi monts de carcasses,

Charognes, chair à vif, d'immondices monceaux.

Craquant sous ses pas frêles, des membres et des os,

Et dans l'air étouffant, des effluves tenaces.

 

Celles du sang, hélas ! C'est là tout ce qui règne,

Dans ce royaume affreux, ce macabre décor

Où l'on arrive preux, et dont on repart mort,

Ternit par une terre où même l'âme saigne.

 

La vie là-bas se mue en vague convulsion.

Nul oiseau n'y fredonne, seul des croassements

En ce Val résonnent contre les ossements,

Témoins d'un monde qui n'est plus que répulsion.

 

En un tressaut de plus, la larme tombe encore

Du visage strié de tranchées de grand âge.

Il repense à nouveau à cet ancien mirage

Qui par son souvenir pousse l'homme à l'effort.

 

Au terme d'une nuit, succédant à un jour,

Succédant à une aube, succédant à un soir,

Il aperçoit enfin, dans les ténèbres noires,

La stèle protégeant son tout premier amour.

 

S'arrêtant devant elle, d'une fébrile main,

Il détache la fleur qui décore son col,

Et la pose en un pleur tendrement sur un sol

Jonché de cent flétris pétales de jasmin.

 

 

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